Le Chihuahua, un chien sauvage ?À l'heure où l'on se perd encore en conjonctures sur les véritables origines lointaines du chihuahua, j'ai eu le bonheur d'avoir à élever une portée de ces petits compagnons et, nouvel éleveur amateur, j'aimerais faire part d'observations qui me laissent encore perplexe.
Que les éleveurs et amateurs de chihuahuas à poil long ne m'en veuillent pas si je ne m'en tiens qu'à la variété à poil court : c'est la seule que je connaisse. On sait qu'il existe un peu partout de par le monde des chiens qui, après domestication et sélection du fait de l'homme, seraient retournés à l'état sauvage. Il est curieux de constater que ces chiens sont, depuis quelques décennies, redécouverts et qu'ils font à nouveau l'objet d'une sélection. Qu'en est-il de notre chihuahua ? Pourrait-il être le descendant du Téchichi, chien nu, pansu, sans voix et… comestible ? Je me garderai bien de trancher. Mon propos est de rapporter des faits, tels que j'ai pu les observer, suite à la naissance de chiots. Souhaitant un sevrage le plus naturel possible j'optai pour une nourriture industrielle (conserves) que prenait déjà la mère. Petit à petit les chiots s'intéressèrent à cette nouvelle manne et je les laissai grignoter à leur convenance, directement dans la barquette, chaque fois que je nourrissais la mère. Curieusement, celle-ci laissait les petits se servir en premier, ce qui me mit la puce à l'oreille. Les chiots prenaient chaque jour un peu plus de nourriture solide et du poids, mais ne manquaient jamais l'occasion de saisir une mamelle qui passait par là. Je fis comprendre sans ambiguïté à la chienne qu'il était temps pour elle de se reposer un peu. Les chiots délaissèrent donc les mamelles. Je n'étais cependant pas au bout de mes surprises : je me rendis compte que la mère vomissait ses repas sitôt avalés, ce qui me mit une deuxième puce à l'oreille. Était-elle malade ? Je décidai d'en avoir le cœur net et de l'observer attentivement. J'eus tôt fait de comprendre. Les chiots, bien qu'ayant eu leur repas, s'approchaient tout frétillants de leur mère et lui léchaient les commissures des babines. Dans la minute qui suivait, la mère régurgitait son repas pour le plus grand bonheur des petits qui l'avalaient sans se faire prier. Le père, lui, se contentait d'assister au spectacle, impassible. Je décidai donc de séparer la mère des petits et de l'installer dans un parc pour bébé. Comme elle ne sortait qu'une heure après ses repas, le processus ne se reproduisit plus. Je nourrissais les petits avant les parents sans que jamais ces derniers n'essaient de leur ravir leur repas. C'est alors que je réalisai qu'en laissant ensemble petits et parents j'avais laissé se constituer une horde (je ne possède aucun autre chien). Le mot fera peut-être sourire, mais il est de fait que les comportements étaient bien ritualisés et hiérarchisés. La mère n'avait plus à nourrir ses petits, mais elle veillait. Les petits jouaient ensemble et, dès qu'un mordillement un peu trop appuyé arrachait un cri à l'un d'eux, elle ne manquait pas, où qu'elle se trouvât, d'accourir pour voir s'il n'y avait rien de cassé. Le père participait maintenant aux jeux, courant après les chiots qui, dès que rattrapés, adoptaient une attitude de soumission (se couchant sur le flanc et lui léchant les babines). Je peux dire que jamais dans ma "horde" il n'y eut de discorde ; jamais les parents ne tentèrent de s'approprier de la nourriture qui ne leur était pas destinée ; jamais les chiots ne manquèrent de respect à leurs parents. Il arrivait même qu'ils leur fassent du charme pour avoir un peu plus de nourriture, s'avançant vers la gamelle en rampant, les oreilles couchées, la tête inclinée sur le côté. Quelles conclusions tirer de ces observations ? Que se serait-il passé sans mes interventions ? Je ne saurais le dire car le problème est faussé dès le départ : les chiens ont un maître qui leur fournit la nourriture. On ne peut pas nier cependant qu'un tel comportement rappelle très fortement celui de certains canidés qui vivent en familles ou en hordes, tels les loups, renards, lycaons, coyotes. Sans apport de nourriture ces chihuahuas auraient-ils pu retrouver leur instinct de chasseurs ? Cela aurait été une façon écologique de débarrasser mes quelques ares de pelouse des mulots, très nombreux cette année. Peut-on imaginer qu'il y ait eu au Mexique des petits chiens domestiqués et retournés à l'état sauvage pour être redécouverts au siècle dernier (dans la région de Chihuahua) ? Je ne suis pas loin de le penser si l'on sait que les Aztèques élevaient les Téchichis… pour les manger. Un Téchichi retourné à l'état sauvage ? Pourquoi pas.
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