L'éléveur et le vétérinaire


Nous publions ci-dessous un article du Docteur Véterinaire Yves Surget qui s'inscrit parfaitement dans notre dossier sur l'élevage. Je vous invite a lire et relire cet article et même à le faire lire à votre propre vétérinaire.

S'il existe en élevage canin un partenariat privilégié - ou qui devrait l'être - C'est bien celui de l'éleveur avec son vétérinaire. Sur quelles bases ce partenariat repose-t-il? Sur des bases qui sont fort simples pour l'un et beaucoup plus diverses pour l'autre.

Très simplement, le vétérinaire ne demande que deux choses très simples à l'éleveur :
- être client et, si possible, client assidu car seule la confiance fidélise les rapports réciproques.
- payer régulièrement les soins qui peuvent d'ailleurs faire l'objet de contrats réciproques.

Par contre, l'éleveur attend beaucoup de son vétérinaire et, de ce fait, exige beaucoup.

La technicité est évidemment un des premiers soucis de l'éleveur. À notre époque, la grande majorité des producteurs de chiots est composée de personnes "renseignées", lisant au moins des revues de vulgarisation auxquelles participent nombre de nos confrères en y développant diverses pathologies et thérapeutiques. Les associations de race publient maintenant presque toutes des revues ou des bulletins où une large place est consacrée à l'art vétérinaire et la Société Centrale Canine elle-même organise des stages de formation pour les éleveurs. Nous sommes à une époque où les médias par ailleurs font une large part à une cynophilie autrefois confidentielle et à tous les sujets qui tournent autour de cette passion.

Lorsque l'éleveur arrive chez le vétérinaire, il a certes plus ou moins bien assimilé les articles qu'il a lus, les notions qu'il a récoltées et les renseignements qu'il a glanés ici ou là. Mais, il a déjà une idée de ce dont il peut s'agir et une prémonition de ce qu'il convient de faire. Il n'assiste pas en aveugle aux soins prodigués et souhaite évidemmentqu'ils soient adéquats, fondés sur des données bien précises et que lui soient expliquées les causes et les conséquences de l'état pathologique de son animal ainsi que les traitements entrepris.

Il est donc bon d'expliquer le diagnostic et d'expliquer le traitement à entreprendre sachant que l'on s'adresse à quelqu'un de plus ou moins averti. Car, bien souvent, il faudra revenir sur des idées reçues ou sur des a priori et faire comprendre à son interlocuteur qu'il a mal orienté son raisonnement, mal assimilé ses lectures et donc redresser une opinion mal forgée pour imposer la réalité des faits et de leurs conséquences. Il faut parfois de la patience avec un interlocuteur qui croit tout savoir et auquel il faut faire concevoir avec psychologie qu'il fait à un moment donné fausse route.

Le praticien doit évidemment mettre en oeuvre tous les moyens dont il dispose pour asseoir la conviction de son client et affiner diagnostic et thérapeutique. L'éleveur aura facilement recours aux analyses et aux investigations instrumentales (dont l'imagerie sous toutes ses formes), s'il est convaincu qu'elles sont nécessaires.Le coût de l'acte, qu'il soit médical ou chirurgical revêt son importance pour l'éleveur dont le budget est excessivement "serré" et qui, possédant généralement un nombre élevé de reproducteurs, se doit de gérer son élevage.

Le véritable amateur, qui sélectionne réellement pour l'amélioration d'une race, se livre à l'élevage par hobby, comme d'autres colectionnent des timbres ou participent à des chorales ou des groupes musicaux ou qui se consacrent à tout autre violon d'Ingres. S'il participe à des expositions régulièrement et à la vie de son association de race, s'il soigne scrupuleusement ses chiens tout en menant parallèlement des activités professionnelles, il équilibre généralement très difficilement son budget cynophile et se retrouve perdant en fin d'exercice, faute à vendre très onéreusement ses produits, ce que beaucoup hésitent à faire, se maintenant à des tarifs abordables. Bien souvent il sacrifie ses vacances à son hobby d'autant que l'élevage de chiens se satisfait mal d'absences prolongées et que l'amour qu'un véritable amateur porte à ses élèves lui ôte le désir de les délaisser trop longtemps. Par ailleurs, il entretient souvent, dans le même état d'esprit, des sujets vieillissants qui n'ont plus de rentabilité productive et, à l'opposé, il élève des jeunes qui seront les reproducteurs de l'avenir.

Le vétérinaire doit tenir compte de cet aspect des choses. Il n'est évidemment pas question que lui-même prostitue ses soins et renonce en quoi que ce soit à de très justifiés honoraires. Ainsi toute intervention chirurgicale ne peut qu'être normalement tarifiée, son caractère inéluctable en même temps que relativement exceptionnel la rendant indispensable et incontournable.

De même les consultations individuelles revêtent pour le praticien les mêmes caractères d'exception et doivent être honorées en fonction de ce qu'elles nécessitent de science, de conscience et d'apports diagnostics.

Par contre, les soins banals peuvent faire l'objet de contrats entre l'éleveur et son vétérinaire à condition que le premier assure au second l'exclusivité de ses besoins. Ainsi peut-il en être des vaccins annuels du cheptel lorsqu'il revêt une certaine importance. Ainsi devrait-il en être de la primovaccination et du tatouage des chiots d'une même nichée. Ainsi pourrait-il en être également de la fourniture de certains médicaments usuels tels vermifuges, suppléments minéraux et vitaminés éventuels, largement utilisés en élevage et pouvant faire l'objet d'un coût calculé de telle sorte que les deux parties y trouvent leur compte.

L'accueil et la disponibilité doivent également être tels que l'éleveur éprouve facilité et agrément à se rendre chez son vétérinaire. Le plaisir de travailler ensemble ne peut que développer le climat de confiance indispensable à la fidélisation et donc à la réalisation des facilités précédemment envisagées.

Mais, si l'éleveur attend technicité, disponibilité et rentabilité des soins de son propre vétérinaire, il attend également beaucoup de l'ensemble de la profession dont l'attitude rejaillit beaucoup sur son praticien attitré.En effet, l'éleveur écoule ses produits et les cède, à titre le plus fréquemment onéreux, à des clients qui vont, tôt ou tard, présenter leur nouvelle acquisition à leurs propres vétérinaires.

L'éleveur souhaite alors que ses clients trouvent auprès du praticien intéressé l'accueil qu'il aime lui-même trouver auprès du sien. Il souhaite qu'en cas de difficultés, le vétérinaire consulté se révèle un conseiller de choix et non, comme c'est hélas souvent le cas, un procureur à sa propre encontre.

Si le chiot acquis et présenté, montre une pathologie ou une tare antérieure à la vente, l'éleveur souhaite que les faits soient présentés à l'acquéreur de manière objective et que sa propre responsabilité, à lui, - éleveur -, soit exposée sans acrimonie et lui soit explicitée par un certificat clair et net exposant ce qui a été constaté, sans parti-pris ni orientation. Il souhaite en bref ne pas être présenté comme un inévitable "voleur", un homme malhonnête dont il faut exiger réparation.

Si le chiot présente un retard de migration testiculaire, sachant qu'il n'est pas rare que les testicules ne viennent en place qu'entre le second et le troisième mois, ou s'il présente des troubles comportementaux d'adaptation, l'éleveur souhaite que le praticien guide l'acquéreur, mette en place un traîtement sécuritaire et souvent utile, et ne se livre pas à une critique en règle du "chien de race" et de "tous ceux qui en tirent profit".

Qu'il n'oublie pas que lui-même tire profit des chiens de race que leurs propriétaires médicalisent parfois à l'extrême, allant très loin dans les investigations à entreprendre et les traitements à mettre sur pieds et à poursuivre. Dans de bonnes lignées les chiens de race atteignent des âges avancés et ont une solide santé. Enfin, à la lecture d'un certificat de naissance ou d'un pedigree, l'éleveur souhaite que le vétérinaire ne se récrie pas aussitôt sur la "consanguinité" ayant permis la production du sujet consulté. Il faut se remémorer que l'affixe n'est qu'une marque de fabrique et que tous les chiens portant le même affixe ne sont pas forcément de la même lignée. Et il faut aussi faire appel aux quelques notions de génétique qui demeurent des nombreuses notions que l'étudiant vétérinaire reçoit en la matière. Elles contribuent à faire de lui un zootechnicien qui peut être l'interlocuteur privilégié de l'éleveur. On sait que la consanguinité est un outil indispensable en élevage et que les plus grandes races des espèces domestiques doivent à son utilisation leur succès et leur survie grâce à la fixité des caractères en faisant la spécificité. Que le vétérinaire ne lui attribue pas automatiquement, en chargeant le producteur canin de tous les maux, un caractère maléfique et délétère qu'elle ne mérite que si elle est mal mise en pratique et mal utilisée.

La profession vétérinaire doit avoir la confiance des éleveurs de chiens de race. Les échos récents que nous recevons prouvent que certains de ses éléments ont encore beaucoup à faire pour atteindre ce but. Mais il est fâcheux que l'attitude de quelques-uns rejaillisse sur l'ensemble d'une profession qui remplit avantageusement sa mission.

Bien loin de suivre des chemins parallèles en s'observant d'un oeil critique, il est indispensable que les vétérinaires et les éleveurs, travaillant en commun, aillent dans le même sens ensemble dans une étroite coopération dont tous tireront bénéfice.

Dr Vét. Yves SURGET

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